• Editorial : Mars belliqueux et redoutable !!

    Tu viens encore en 2014 et je redoute tes élans de guerrier. En 2012, tu as fait tressaillir mon cœur comme tu le fais encore maintenant. Que me vaut encore l’honneur de ta visite ? Je t’en conjure, dépose ici tes armes et viens signer le traité de paix. Je suis le shérif de ces lieux, mais je renonce à faire la guerre avec toi. Une fronde sociale, sur fonds de bataille syndicale, de revendications légitimes, a été lancée depuis le 30 décembre 2013 suite à une répression policière, sanguine, de syndicalistes qui voulaient marcher. Erreur monumentale, zèle, tentative de confiscation des libertés chèrement acquise depuis l’historique Conférence des Forces vives de la Nation, de février 1990. Voilà la goutte d’eau qui a débordé le vase ; victimes et jaloux de leur liberté d’expression, d’opinion, les syndicalistes, commandants attitrés de ces cités et défenseurs des intérêts matériels, moraux et professionnels des hommes que j’emploie, ont appelé Mars au secours. Dans 48 h exactement, heure pour heure, jour pour jour,  le Bénin se souviendra de Mars comme en 2012. Je m’en souviens d’ailleurs, ce 12 du mois de Mars 2012, où la crise sociale, qui avait pris son envol en 2011, avait atteint son paroxysme en 2012. Pour sonner la fin de la création, le président de la République, le chef de l’Etat, chef suprême des Armées, Grand Maître de l’Ordre, avait décidé d’inviter à la Marina, les présidents d’Institutions, les syndicalistes, les frondeurs, les parents d’élèves, les Azon, les élèves et autres. Que ne fut la surprise générale : le chef, après une introduction dithyrambique, avait voulu écouté les frondeurs, qui ont osé secouer la République par des grèves cycliques, et tacitement reconductibles. Les uns après les autres, les Secrétaires Généraux des Centrales et Confédérations syndicales, ont parlé devant le chef suprême des Armées sans trembler ; certains avaient gardé leur franc-parler ; et cela n’avait pas plus au chef, heureusement qu’il y avait plus de raison que de sentiments : c’était la première surprise. Les Azon, au nom d’une certaine association des parents d’élèves, s’était agenouillé devant le chef, lui demandant de pardonner, et demandant aux syndicalistes de reprendre les cours par amour pour les enfants béninois. Les comportements et les propos d’Azon avaient trahi sa conviction du moment : c’était la deuxième surprise. La température avait monté dans la grande salle du peuple de la Marina. Le chef pris enfin la parole, réclama le respect des Institutions de la République et exigea qu’on l’appela « Monsieur le Président de la République » et non « Monsieur le Président ». La mégalomanie avait la préséance sur le règlement de la crise ce jour-là : troisième surprise. Le clou de la rencontre avait été le brandissement du contrat administratif de tous les enseignants grévistes, les menaçant de radiation pure et simple, si la grève se poursuivait, sauf faveur spéciale du chef. C’était la quatrième surprise de la journée. La fin de la récréation avait été sonnée ainsi, après un protocole d’accord, mentionnant la restitution des sous des travailleurs défalqués. J’avais été témoins des faits ; Vous vous en souvenez ! 12 Mars est encore à nos portes et je redoute encore ce scénario, qui n’avait rien de bienséant ; je redoute encore 19 Mars 2014, sosie de 19 Mars 2012, qui avait consacré le mot d’ordre de la grève sur le tas, un moyen séditieux que le Front d’Action des Trois Ordres de l’Enseignement avait trouvé pour proprement duper les grévistes, puisque j’avais ouï dire que des syndicalistes au lieu d’aller conclure un accord avec le pouvoir, avait plutôt conclu un deal. Je veux croire que Mars a une histoire dans la vie du Dr Yayi Boni, mais je redoute Mars, belliqueux, qui cristallise maintenant les passions et fait déchaîner les foules sur les préfectures, les directions départementales des enseignements, le Parlement. Dans la langue ashanti, l’Harmattan traduit le vent chaud et sec qui souffle de décembre à mars en Afrique de l’ouest. Si Sembène Ousmane, né à Casamance, a écrit L’Harmattan, c’est pour fait comprendre le cri, le sanglot qui signifie en même temps la remise en cause du passé et une prise de conscience pour bâtir l’avenir de l’Afrique. Je ne sais pas si vous me comprenez ! Je reste ici assis devant la grande salle du peuple, pour en appeler à la conscience des gouvernants qui gouvernent la cité et supplier Mars, le dieu de fer de déposer ses armes pour que sa colère se calme.

    Par Martin Aïhonnou


    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :