• Editorial : Ma culture sans l’autre ?!

         Je jette ici mes filets, sans chercher à attraper une proie quelconque ; c’est seulement après que je pourrai vous dire si les mailles de mes filets ont pu retenir quelque animal. Chers lecteurs, savez-vous qui vous êtes ? d’où vous venez ? Les réponses à ces questions seront, sans aucun doute, multicolores : Nous sommes batonnu et nous venons de Nikki, diront certains, d’autres diront nous sommes mahinou et nous venons de  savalou, d’autres encore diront nous sommes des wémènous et nous venons d’Adjohoun, de Bonou, de Dangbo, d’Azowlissè ou des Aguégués ; bon nombre d’entre vous frapperont fièrement la poitrine pour se réclamer de telle autre aire culturelle, wassangari et autre, dont la tradition serait digne d’être citée dans les annales de l’UNESCO. Tout comme dans les fables de La Fontaine, le corbeau se découvre naïf et orgueilleux sous le regard du renard ; je puis dire que l’orgueil d’être un Aboméen, issu de la lignée royale est sans équivoque et semble étendre ses tentacules dans la langue du milieu, le Fon-gbé, une langue véhiculaire. Le Français du Parisien, l’Allemand du Berlinois,  le yoruba du Kétoi, le Adja-gbé de Dogbo, ou le Dendi du Malanville sont des véhicules d’expression des cultures. Regardons le lion, roi de la forêt, qui se fait petit, devant l’action du rat qui le libère des mailles du filet qui l’emprisonne. Une leçon de vie qui nous renvoie la moralité de ce qu’il n’est pas possible de concevoir ‘’ma culture sans les autres’’ ; mais avons-nous toujours besoin de l’autre pour nous connaître ? Voyons, au 18ème siècle l’idée de la culture est comme une "essence" qui colle aux peuples ; et que chaque peuple se caractérise par son "génie". Au Bénin, chaque groupe socioculturel défend sa culture comme la prunelle de son œil et tend à la mettre au-dessus des autres cultures existantes ; mais là, je vous avertis qu’on  rentre dans le virage de la crise identitaire, puisque, c’est au nom de cette conception de l’identité culturelle comme "essence nationale" que se font les guerres de leadership culturel et de choix d’une langue nationale à introduire dans le système éducatif formel, comme d’autres nations l’ont si bien réussi (l’Afrikans en Afrique du sud, le Yoruba au Nigéria, le wolof au Sénégal, etc ...) La difficulté qui empêche d’en arriver là, est tout simplement que chaque groupe social, voulant perpétuer la tradition, devient sa propre culture. Si mes filets devaient servir à ‘’arrêter’’ la fièvre culturelle qui s’empare des populations, le degré de température en feraient fondre les mailles :  les ressortissants du lac Ahémé et la communauté Houéda fêtent diversement, leur identité culturelle, dénommée le ‘’Nonvizan’’, traduit dans la langue de Molière comme ‘’le jour de la fraternité’’ ; les premiers ont proclamé urbi et orbi, leur 49è anniversaire ; tandis que les derniers ont célébré la 3è édition de Nonvizan le 31 mars 2013 ; les ressortissants de l’Atacora, eux-aussi, ont une identité culturelle, ‘’les arts et culture Tammari’’, FACTAM, en est le label, et ils en sont à la 4è édition  depuis  2013 ; les Mahinou de Kétou, descendus des collines de Savalou, crée leur propre retrouvaille culturelle, ‘’les arts et culture Nago, Mahi de Kétou ; il existe désormais une édition du festival ‘’des arts et culture de l’aire culturelle Mokolé’’, des ressortissants de  Kandi, et une fête annuelle Dogboto, pour les frères et les sœurs originaires de Dogbo. Prêtez-nous encore votre attention, pour retenir que la fête de la Gaani, qui regroupe toutes les populations wassangari et batombu est célébrée dans deux différentes aires culturelles : si à Nikki, la Gaani est célébré avec faste et orgueil, il l’est aussi, à Djougou, où elle est considérée comme la plus grande réjouissance populaire, célébrée depuis des millénaires, hyberbolise le comité d’organisation de la Gaani 2014. ‘’Le Nonvitcha’’, rencontre des frères et sœurs de  l’aire culturelle xwla est aussi vieux qu’une calendre grecque, et tout ça, au nom de l’identité culturelle. La 6è édition du ‘’wémèxwé’’ célébrée du 14 au 18 janvier 2015, consolide les liens entres tous les fils et filles des quatre communes de la vallée ; avec la participation de la diaspora et autres  alliés, à ces rancarts culturels, c’est les grandes retrouvailles. Comme cette fièvre, s’empare des peuples, elle n’est pas considérée comme un mal, puisque tout le monde veut être atteint. D’après Malewska, Tanon et Sabatier, le contact des cultures est source d’enrichissement mais aussi de questionnements: «Il bouleverse toujours l’individu, si celui-ci n’est pas seulement spectateur, il est obligé de vivre dans la durée selon deux codes culturels différents, parfois contradictoires et irréconciliables. Des choix apparents ou réels s’imposent à lui et l’amènent à réévaluer ses croyances et références de base en fonction du contexte, ou encore à se repositionner dans un parcours de vie, afin d’inclure de nouvelles perspectives identitaires et parfois à questionner son appartenance à un groupe ou des groupes». Il faut  dire que la marque déposée de ‘’wémèxwé’’, s’inscrit aussi dans la même dynamique que les autres peuples : se déterminer par rapport à sa culture ; mais alors, considérer sa culture comme celle des autres, c’est internaliser la culture de l’autre, dans un élan de nationalisme culturel, afin que triomphe, non pas des cultures individualisées, mais une culture authentique. Le réveil culturel, n’est pas encore là. J’ai lu Bakhtine qui a écrit: «je ne suis rien sans l’autre». Continuons d’y réfléchir. Merci pour l’attention ! Culturellement vôtre… !
     
    Par Martin Aïhonnou

     


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