• Vulgarisation et opportunités des Tics en milieux ruraux: Les paysans béninois sur les chantiers battus de la téléphonie mobile

    Par Martin Aïhonnou L’émergence d’un nouveau type d’agriculteurs ouverts aux méthodes rationnelles de production et de gestion de leurs domaines est un challenge pour l’actuel gouvernement du Bénin qui n’a pas encore suffisamment favorisé l’accès des ruraux à l’information dans un espace Tic en pleine mutation en Afrique. Pour l’heure, les outils et les approches qui améliorent les services de conseil et de vulgarisation agricoles restent des défis émergents, pour un développement efficient de la croissance économique.

     Le mode de communication adapté aux ruraux sur l’ensemble du territoire national est incontestablement le téléphone portable. Son introduction dans les ménages vivant en zones urbaines et rurales n’est plus à démontrer. Son utilisation a atteint le groupe cible que sont les paysans qui s’en accommodent vaille que vaille pour rattraper leur retard en matière de développement économique et social. En effet, la nécessité pour les acteurs du monde rural de maîtriser les TIC ou de profiter des Nouvelles technologies pour améliorer leurs connaissances en échangeant entre eux ou avec d’autres acteurs de l’économie nationale, régionale et internationale, doit être une préoccupation des gouvernants qui prônent l’émergence d’une agriculture compétitive. En marge de la réunion panafricaine sur le coton des 27, 28 et 29 juin 2011, s’est tenu à Cotonou, une conférence de presse dont l’objectif principal était d’informer les hommes des média sur les diverses stratégies à mettre en œuvre pour une filière cotonnière africaine compétitive ; le Secrétaire général de la Conférence des Nations Unies pour le Commerce et le Développement ( CNUCED), Dr Supachai Panitchpakdi, en déclinant les grandes orientations de la réunion a insisté sur la nécessité d’un cadre institutionnel à mettre sur pied, qui pourra obliger les gouvernants africains à organiser les producteurs sur le plan technologique et sur le plan infrastructurel,  de  façon à leur permettre d’accroître leurs productions, malgré la forte subvention faite par les pays européens à leurs producteurs. S’il est vrai que la production cotonnière connaît une baisse au Bénin depuis 2007, «  il est à reconnaître que la production africaine a malheureusement chuté pendant la campagne cotonnière 2009-2010, plafonnant à 1 million 100 tonnes  sur les 22 millions de tonnes de production dans le monde »,  a laissé entendre le premier ministre béninois, Pascal Irénée Koupkaki, à l’ouverture de la réunion panafricaine. Eu égard à tout ce qui précède, il est à reconnaître que pendant des décennies des évolutions ont caractérisé les systèmes de production dans le monde ; cependant, certains discours scientifiques soulignent des retards énormes et des inadaptations quant à l’agriculture en Afrique, notamment en Afrique subsaharienne et au Bénin en particulier. A l’analyse des critères exogènes des mutations technologiques qu’ont connu les systèmes de production en occident, il s’avère urgent pour les paysans béninois et ceux d’Afrique en général de gagner le pari technologique en perspective d’une orientation politique en vulgarisation pour répondre aux défis de la demande du marché et de la révolution démographique qui secoue l’Afrique depuis plus d’une décennie. En effet, la croissance démographique de l’Afrique actuelle s’effectue à un rythme supérieur à 3% l’an, rythme inégalé dans l’histoire à l’échelle d’un continent, or selon certaines projections, ce rythme serait, en l’an 2025, encore supérieur à 2% (contre 1% dans les autres continents)1. Le rythme de croissance démographique au Bénin n’est pas moins éloquent (9,2 millions d’habitants selon les estimations officielles de 2010 avec un taux de croissance annuelle de 3,4%). A cet effet, le gouvernement béninois a intérêt à mettre en route son plan stratégique de relance du secteur agricole (PSRSA) et sa vision de faire du Bénin  une puissance agricole dynamique à l’horizon 2015 afin de faire de son agriculture, une agriculture d’autosuffisance et compétitive. Par ailleurs, pour tenter d’explorer les défis émergents et les opportunités qui se dessinent dans le domaine des services de conseil et  vulgarisation agricole aux fermiers, D.M.KABALA2  analyse les obstacles qui se dressent devant l’émergence d’une agriculture africaine plus compétitive en système de problèmes mésologiques3 de l’Afrique subsaharienne et écrit qu’  « au nombre des problèmes, il y a ceux qui affectent d’une part l’environnement biophysique et d’autre part ceux qui affectent l’environnement socio-économique et culturel ». A la recherche des problèmes qui affectent l’environnement socio-économique et culturel, il avoue « qu’ils ont une importance majeure dans les pays en voie de développement et singulièrement en Afrique, d’autant plus qu’ils sont caractéristiques du sous-développement et du mal développement ». De ces problèmes, on retient l’explosion démographique, la faim, la malnutrition et la sous-nutrition, le faible niveau de technicité y compris la valorisation et la transformation des produits agricoles, le manque de stimulation de l’innovation chez les populations rurales. Face aux grands débats de la contribution des Tics au développement économique et social et leurs capacités à diffuser en permanence l’information, il apparaît évident que le manque d’information et de formation des acteurs du monde rural constituent aussi à n’en point douter un obstacle mésologique ; pour vaincre cet obstacle il va falloir associer aux mass-média, outils traditionnels de transmission de l’information, les   usages innovants des Nouvelles technologies dans une société où la fracture numérique se crée entre zones urbaines et zones rurales. Il se pose alors à l’intérieur du pays un grand problème de « transfert du paquet technologique » pour frayer un chemin vers l’accroissement de la production agricole et pour un développement certain de toutes les filières agricoles.Une économie de prestation de service repose sur les télécommunications ; or les télécommunications étant le moteur de croissance au plan économique et un facteur d’amélioration des conditions de vie au plan social, il se dégage clairement que les agriculteurs béninois ne sont pas encore technologiquement émancipés. La « société de l’information » n’est pas encore dans sa vitesse de propagation dans le secteur agricole au Bénin. Une étude qui a porté sur les questions de l’utilisation du téléphone portable par les paysans béninois a montré que cet outil technologique est un outil de développement certes ; mais son impact sur le secteur n’est pas encore ressenti par la plupart des acteurs eux-mêmes (http://www. beninsite.net/spip.php ?article2858); cependant, cette étude permet de faire l’état des lieux de voir le chemin parcouru et les défis qui restent à relever  dans la technologie adaptée à l’agriculture, comme c’est le cas au Sénégal avec Xam Marsé (http://manobi.sn) qui est une convergence de technologie aux multiples usages. Le gouvernement béninois ayant accordé des licences d’exploitation à cinq opérateurs de réseaux GSM qui bénéficient des exonérations des droits et taxes sur l’importation d’équipements informatiques, n’a pas pu développer avec ces derniers une politique orientée de développement dans le secteur agricole. La preuve est qu’aucun de ces opérateurs n’a encore mis en route dans le secteur agricole, par exemple, des services comme des services d’information (relatifs au marché, aux produits), des services de commercialisation et d’approvisionnement (relatifs aux places de marché, les catalogues de produits et achats en ligne). Ces différents services s’ils existaient auraient pu impacter les filières agricoles au Bénin. Le développement de nouvelles applications technologiques et la conceptualisation d’usages innovants dans le secteur des Tics vont certainement contribuer au renforcement des capacités des professionnels de ces secteurs qui verront leur position renforcée dans leurs filières respectives et au niveau des marchés nationaux et internationaux. Les besoins de formation et les besoins en technologies nouvelles comme ceux en infrastructures de desserte des villages ou de stockage et de transformation des récoltes sont pressants pour les acteurs du monde rural. Somme toute, l’avènement d’une agriculture compétitive au Bénin et en Afrique en général passe par une politique de développement économique et social qui « doit tenir compte des différentes composantes du développement rural et qui sera cohérente avec l’objectif prioritaire qui consiste à mettre l’homme au centre du développement en tant qu’acteur et bénéficiaire de celui-ci ». Une politique qui ne doit non plus ignorer les femmes rurales, de façon a inciter leur participation effective au développement du Bénin, tout en sachant que les Tics ne se limitent pas seulement à l’ordinateur et à l’internet mais y sont inclus la radio, le téléphone portable qui sont aussi des nouvelles technologies de l’information et de la communication. Le manque d’information et de formation constituant un obstacle à l’adoption des innovations, il est sans aucun doute nécessaire de pouvoir compter sur des institutions de vulgarisation permettant aux paysans d’avoir accès aux technologies. C’est dire qu’au Bénin la transmission du « paquet technologique » aux paysans et paysannes reste plus qu’un défi, mais un chalenge.

     (1) Abdoulaye Sawadogo : L’agriculture : Les voies d’une nécessaire reconversion in Jean-Claude Chasteland, Jacques Véron et Magali Barbéri, Politiques de développement et croissance démographique rapide en Afrique, éd. CEPED, 1993.

    (2) D.M.KABALA, Protection des écosystèmes, et développement des sociétés, Etat d’urgence en Afrique, éd. L’Harmattan, 1994.

    (3)   Mésologique : relatif à l’étude méthodique des systèmes régis par une relation qui sera décrite plus loin en détail.

     

     
     

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